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Coralie Oberti - Une plume de journaliste -
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18 janvier 2023

Julien Zéléla : des ballons dans les yeux

- Janvier 2022 -

Julien Zéléla a 60 ans. Il est devenu aveugle à 11 ans.

 

Il est le précurseur du cécifoot en France. Contraint de devoir arrêter le football à ses 10 ans en Martinique à cause d’une maladie dégénérescente, il met tout en œuvre pour jouer à nouveau. Son arrivée en métropole en 1987 est le point de départ de son épanouissement. Fan de musique, il en fera son métier. Portrait d’un homme-orchestre. 

 

C’est grâce à Julien Zéléla, que le cécifoot est officiellement reconnu en France par la fédération handisport, en 1998. Vêtu d’une chemise blanche, les mains sur les cuisses, il est assis en face de l’étagère où reposent les nombreuses coupes qu’il a remportées. Le Martiniquais de 60 ans, natif de la région du Lorrain, se souvient avec joie de ce moment. 

 

Trophées gagnés par l’équipe de Saint-Mandé au Championnat de France, de 1998 à 2003 et Coupe de France en 2000. Trophées individuels du meilleur buteur du Championnat de France et des tournois européens (à droite).

 

D’une simple passion, le cécifoot est devenu toute sa vie. Pendant 9 ans, il s’est battu pour que ce sport arrive du Brésil en France. Avec l’aide des quelques personnes qui lui font confiance, il crée le club de Saint-Mandé (Val-de-Marne), club précurseur en France. « Grâce à moi, mais pas que, les déficients visuels pouvaient (enfin) jouer au football. Parce que pour moi, le cécifoot, c’est le trait d’union avec le football classique. J’y ai contribué c’est certain, mais je pense que, lorsqu’on arrive à quelque chose, ce sont les barrières qui tombent plutôt que nous qui les faisons tomber. »   

 

Un début difficile 

C’est à l’âge de 9 ans qu’on lui diagnostique une rétinite pigmentaire (une dégénérescence de la rétine). D’abord caché, son handicap est vite devenu inévitable. Fan de football depuis toujours, il le pratique dès l’âge de 4 ans. Six ans plus tard, il arrête à cause de ses yeux. À l’école, sa vie devient compliquée. Il ne peut plus lire et travaille uniquement à l’oreille. Il décroche tout de même un baccalauréat en comptabilité en 1985. Grâce à ses oncles, il apprend la musique en autodidacte et se découvre une véritable passion. Mais par manque d’établissements spécialisés, il décide de quitter sa terre natale pour étudier dans la capitale et approfondir son goût pour la musique. 

 

« J’ai toujours refusé la canne blanche. » 

 

Peu de temps après son arrivée, il perd la vue au moment où il commence sa quête du cécifoot. La peur du regard des autres a été un véritable frein, surtout au début. « Marcher avec une canne blanche, c’est m’afficher en tant qu’aveugle, me diminuer. Je vis avec, mais je n’accepterai jamais d’être non-voyant. » 

Avant que la cécité ne prenne le dessus, il s’entraîne tant bien que mal dans un établissement scolaire, l’Institut Le Val Mandé. Avec humour, il raconte la sortie d’un entraînement qui l’a marqué. « Il faisait nuit et il pleuvait. Avec les reflets, je ne voyais rien et je suis rentré dans un poteau. J’ai perdu connaissance. À contrecœur, j’ai acheté une canne le lendemain. » 

 

Une vie d’enseignement 

Malgré une adaptation à son handicap lente et compliquée, il apprend le braille, en 1987 pendant un an à l’association Valentin Hauÿ (Paris 7ème), en même temps que la musique, elle aussi en braille. La même année, il s’exerce au métier d’accordeur de piano et passe son bac de musique à l’INJA (Institut National des Jeunes Aveugles), (Paris 7ème). En 1990, il obtient les deux diplômes. Il part à la Sorbonne en 1994 pour obtenir un CAPES de musicologie tout en exerçant son métier d’accordeur. Mais ce qui le passionne vraiment, c’est d’être musicien (lire encadré). De 1994 à 2017, il enseigne la musique à l’INJA, repère des talents et aide beaucoup de jeunes déficients visuels. 

En même temps, le « papa » du cécifoot en France, motive les jeunes recrues de l’AS Cecifoot Saint-Mandé, au bord du terrain. Actuellement vice-président du comité départemental handisport des Hauts-de-Seine et président de la commission sportive de la fédération des aveugles de France, il conseille et raconte son expérience sur le terrain. « Quand je suis sur le terrain, je suis vraiment heureux. Même aujourd’hui, quand je joue, je ressens toujours les mêmes sensations. Avant, je jouais au foot comme si je voyais. Je fonçais. Maintenant, je suis plus calme. » 

 

Il ajoute : « Le cécifoot fait partie de ma vie, comme le foot avant que je perde la vue. Je ne suis pas juste un pauvre aveugle qui joue au foot, mais un déficient visuel qui est footballeur. »

 

Un accompagnement presque nécessaire 

En 1992, il rencontre Nadine. Celle qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants. Un pilier dans sa vie. « Nous nous sommes rencontrés lors d’une soirée à l’AVH. Elle était mal-voyante et faisait des études de kiné. C’est fou parce que je ne me voyais pas du tout avec quelqu’un d’handicapé. » dit-il en rigolant. « Notre fille Julie est née en 1998 et je n’avais pas vraiment la tête à ça. Puis, Mathis est arrivé en 2002. Je n’étais présent que les week-ends parce que je travaillais beaucoup. Je ne remercierai jamais assez ma femme qui était là pour eux. » 

Nadine décède en 2020 d’un cancer contre lequel elle s’est battue pendant 8 ans. Seul avec ses enfants, Julien parle d’eux avec émotion. « Mes enfants ne m’apportent que du bonheur. Ils sont une source de vie. Ils me permettent de me remettre en question. » 

Pourtant, l’accompagnement n’a pas toujours été là. En Martinique ou en métropole, Julien n’a reçu aucune aide de la part de professionnels. Aussi bien sur le plan psychologique que physique. Heureusement, sur sa terre natale, c’était tout le contraire. « Avec du recul, je me rends compte que personne ne m’a rejeté. En Martinique, mes cousins et mes copains faisaient comme si de rien n’était. On faisait les 400 coups ensemble, on allait jouer au football, on allait pêcher. C’est plutôt moi qui me suis exclu tout seul. Je ne voyais pas la nuit donc je n’allais pas aux soirées par exemple. »

 

Des rencontres qui ont tout changé

Grâce à Patrick Baudouin, l’ancien maire de Saint-Mandé, Julien Zéléla rencontre le président de la République Jacques Chirac. « Il m’a invité à la Garden party du 14 juillet 2001. Nous étions dans les salons de l’Élysée et je lui ai offert un ballon dédicacé. Il m’a réinvité l’année d’après. Grâce à lui et Marie-Claire Restoux (sa conseillère technique), nous avons pu partir pour la première Coupe du monde, en décembre 2002 au Brésil. » 

 

Julien est l’invité du président de la République Jacques Chirac lors de la Garden Party du 14 juillet 2001.

 

Julien entre en contact avec Carlos Campos (ancien attaquant chilien), puis avec d’autres personnes au Brésil ou encore en Argentine. C’est grâce à leurs conseils qu’il trouvera la force nécessaire pour se battre et officialiser le cécifoot, face à la fédération handisport qui ne croyait pas en lui.  

En 2004, le cécifoot devient une discipline paralympique. Julien est reconnu à l’international comme l’une des figures marquantes de ce sport. Il a reçu la Médaille du Fair-Play ainsi que l’ordre national du Mérite. 

En 2003, Julien Zéléla reçoit au Sénat la médaille du Fair-Play.

 


 

Une vie rythmée 

C’est à la fin des années 70, que Julien découvre la musique en Martinique. Ses oncles ont joué un rôle capital dans cette passion. L’un lui a acheté une guitare pour qu’il apprenne seul, l’autre a financé son projet pour qu’il monte un orchestre. « J’ai toujours dirigé. J’ai une âme de leader ! » rigole-t-il. Arrivé sur la métropole, il participe à des albums et joue dans des groupes. À l’INJA, il crée un groupe de jazz avec Anne Marie Gilet en 1996, qui deviendra Opening Jazz. En 2010, il crée le groupe So Sound pour sensibiliser le grand public à la déficience visuelle par l’angle de la musique. Chose déjà faite au cécifoot en 2004. 

 

Julien Zéléla joue dans différents orchestres de jazz depuis les années 70. Il manie la guitare, la trompette et le piano.

 


 

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Coralie Oberti - Une plume de journaliste -
  • Diplômée du Bachelor journalisme de l’IEJ Paris (Paris 16ème). En 4ème année option Journaliste Reporter d’Images depuis octobre 2022 à l’IICP (Paris 13ème). Sur ce blog, je vous partage mes reportages et articles.
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